Review of Nathalie Prud’homme’s La Problématique identité collective et les littératures (im)migrantes au Québec


Yvon Le Bras
Department of French and Italian, Brigham Young University
Provo, UT 84602
yvon_lebras@byu.edu


Nathalie Prud’homme, La Problématique identité collective et les littératures (im)migrantes au Québec, Mona Latif Ghattas, Antonio d’Alfonso et Marco Micone, Éditions Nota bene, Québec, 2002. 174 pp.


Alors que l’apport des écrivains émigrés à la littérature québécoise est de plus en plus reconnu et apprécié à sa juste valeur, ce livre par son titre même ne peut qu’attirer l’attention des lecteurs qui, de près ou de loin, s’intéressent à la rencontre, sinon au choc des cultures, ainsi qu’aux problèmes liés à l’émigration et à l’adaptation des exilés à leur société d’accueil.

Contrairement à Clément Moisan et Renalte Hildebrand, qui ont retracé pour nous l’histoire de l’écriture migrante au Québec de 1937 à 1997 dans un ouvrage publié également aux Éditions Nota bene en 2001 et déjà considéré comme un classique du genre, c’est à une étude à la fois synchronique et thématique de ce phénomène littéraire que Nathalie Prud’homme se livre ici à partir d’un corpus constitué cette fois de trois romans représentatifs des années 1990, époque où le “questionnement identitaire est un enjeu majeur du devenir collectif québécois” (24).

Le double conte de l’exil (1990) de Mona Latif Ghattas, Avril ou l’anti-passion (1990) d’Antonio d’Alfonso et Le figuier enchanté (1992) de Marco Micone qui mettent chacun en scène l’expérience de l’émigration/l’immigration se prêtent ainsi à une exploration de la culture québécoise exposée au regard critique de leurs personnages respectifs.

L’objectif de Nathalie Prud’homme étant d’analyser l’inscription du discours identitaire au cœur des récits choisis, c’est dans le cadre de la sociocritique qu’elle tient d’emblée à situer son travail, quitte à négliger leur dimension esthétique. L’appelatif écriture(im)migrante dont elle se sert pour les désigner souligne d’ailleurs clairement qu’il s’agissait pour elle de privilégier l’espace de référence de la fiction au détriment de toute autre considération analytique. Ceci dit, le choix de trois écrivains exprimant différentes façons de considérer cet espace socio-culturel lui permet de donner à son livre une composition en triptyque qui se prête bien à son propos.

Une chose est certaine à la lecture des différents chapitres de l’ouvrage de Nathalie Prud’homme: la question qui suis-je? apparemment anodine que se pose successivement Mona latif Ghattas, Antonio d’Alfonso et Marcone par l’intermédiaire de Madeleine, Fabrizio ou Nino, étrangers comme eux, demeure problématique puisqu’elle ne saurait s’envisager que par rapport aux autres et à la société. Les composantes de l’identité collective demeurant particulièrement instables ou discutables, le besoin d’appartenance à une collectivité ressenti par toute personne déracinée risque de demeurer insatisfait. Le concept d’état-nation, par exemple, est loin de faire l’unanimité chez nos trois romanciers. De nature raciale pour Mona Latif Ghattas ou territoriale selon Antonio d’Alfonso, il suppose un rejet de l’altérité par la majorité blanche ou favorise un nationalisme exacerbé. S’il n’est pas critiqué systématiquement par Marco Micone, ce concept demeure contraignant tant qu’il n’implique pas une volonté d’intégration des minorités et la recherche d’une culture commune. Il en est de même pour la langue, symbole d’assimilation, mais aussi d’opposition entre les communautés d’un pays bilingue comme le Canada, ou bien d’acculturation et de confusion.

En dépit de ces difficultés, tout indique cependant que les protagonistes de ces trois récits parviennent à créer des liens qui les relient tant bien que mal aux autres individus. Dans Le double conte de l’exil, Madeleine, l’Améridienne, redécouvre chez elle dans la réserve l’identité collective qui lui faisait défaut parmi les blancs. De même, dans Avril ou l’anti-passion, Fabrizio en se familiarisant avec la culture de ses parents italiens en dehors de tout territoire et sans attache linguistique particulière parvient à mieux se définir au travers de sa propre ethnicité. Nino, enfin, dont la vie nous est contée dans Le figuier enchanté depuis son Italie natale jusqu’à son arrivée au Québec, témoigne à sa façon de la culture immigrée qu’il représente et de sa nécessaire interaction avec la culture québécoise.

Comme le remarque avec justesse Nathalie Prud’homme, son évaluation de l’importance que prend la question identitaire dans cet échantillon d’écritures (im)migrantes ne permet en aucun cas d’en saisir toute la complexité. Si l’on peut regretter la tendance qui est la sienne de simplifier et donc de généraliser quelque peu les choses, il n’en demeure pas moins vrai que son étude démontre d’une manière convaincante que dans ces textes d’écrivains néo-québécois la volonté explicite de se souvenir de ses origines est subordonnée à un lien social qui n’entrave en aucune manière la liberté de chacun et que l’identité collective est à percevoir “plutôt comme la facette civique de l’individu” (152). Le fossé se comblant entre le discours littéraire et le discours politique, il est donc permis d’espérer avec Nathalie Prud’homme qu’un sentiment de lien collectif civique, source d’enrichissement culturel et de compréhension mutuelle, puisse un jour être partagé par tous les Québécois d’ici et d’ailleurs.

 

#Nathalie Prud'homme#Review of Nathalie Prud’homme's La Problématique identité collective et les littératures (im)migrantes au Québec#Vol. 2 Issue 1 Fall 2003#Yvon Le Bras