Entretien avec Sophie Marcotte


Yvon Le Bras
Brigham Young University
yvon_lebras@byu.edu


YL : J’ai appris que vous dirigez depuis quelque temps le Groupe de Recherche sur Gabrielle Roy à l’Université McGill et je suis curieux de savoir quelle est la raison d’être de ce groupe? Depuis quand existe-t-il ? Comment est-il constitué? Qu’avez-vous réalisé jusqu’à présent?

SM : Le Groupe de recherche sur Gabrielle Roy (G2R2) a été constitué en 1996 par François Ricard et Jane Everett, professeurs au département de langue et littérature françaises de l’Université McGill. J’en ai fait partie dès sa fondation, d’abord comme assistante de recherche, à l’époque où je préparais ma thèse de doctorat sur la correspondance de Gabrielle Roy avec son mari, Marcel Carbotte, à l’Université McGill, puis à titre de co-directrice à partir de 2001. Depuis 1996, nous avons reçu des subventions du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC; anciennement FCAR) et du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). Une vingtaine d’étudiants de l’Université McGill et de l’Université Concordia, où j’enseigne depuis 2003, ont jusqu’ici bénéficié d’un assistanat de recherche au sein de notre équipe.

Les travaux du G2R2 ont essentiellement consisté jusqu’ici en l’édition critique, en l’édition électronique et en l’analyse de ce que François Ricard a appelé la partie « immergée » de l’œuvre de Gabrielle Roy, composée d’inédits (une cinquantaine de textes littéraires et près de 2000 lettres), de « quasi-inédits » (des textes publiés dans des périodiques, surtout pendant les années 1940, et peu accessibles aujourd’hui) et de manuscrits, dactylogrammes et autres avant-textes qui permettent de suivre le travail d’invention et d’écriture de la romancière et de mieux comprendre son univers.

Depuis 1997, nous avons publié huit recueils d’inédits (Le temps qui m’a manqué, 1997; Ma chère petite sœur, 1999; Le Pays de Bonheur d’occasion, 2000; Mon cher grand fou, 2001; In Translation, The Gabrielle Roy-Joyce Marshall Correspondence, 2005; Femmes de lettres, 2005; Rencontres et entretiens, 2005; Heureux les nomades, 2007), ainsi qu’une édition électronique du dossier génétique du Temps qui m’a1 manqué (2007). À cette liste s’ajoutent quatre recueils d’études critiques (Gabrielle Roy inédite, 2000; Gabrielle Roy réécrite, 2003; Gabrielle Roy contemporaine/The Contemporary Gabrielle Roy, 2007; Gabrielle Roy et l’art du roman, 2010).

Plus récemment, nous avons entrepris des travaux de réédition de tous les romans de Gabrielle Roy dans une édition qui présente le texte définitif, revu et corrigé; cette édition a été baptisée « Édition du centenaire » car le début de sa publication, en 2009, coïncide avec le centenaire de la romancière. Ces travaux se poursuivront au cours de trois prochaines années.

YL : Si je comprends bien, l’édition électronique a une place importante dans les activités de votre groupe de recherche? De quoi s’agit-il ? Quelles sont les œuvres de Gabrielle Roy déjà disponibles sous cette forme?

SM : Depuis quelques années, en effet, notre projet explore une nouvelle avenue pour la diffusion des textes, celle de l’édition électronique, essentiellement pour deux raisons. D’une part, nous voulions trouver une façon de  bien établir la différence entre l’œuvre canonique de Gabrielle Roy, c’est-à-dire la quinzaine de livres publiés de son vivant, et les inédits, dont le degré d’inachèvement varie énormément, et dont elle n’aurait sans doute pas autorisé la publication dans l’état dans lequel ils nous sont accessibles aujourd’hui. L’édition électronique s’inscrit ainsi en complément à l’édition traditionnelle, tout comme les inédits viennent « compléter » l’œuvre canonique de la romancière. D’autre part, l’édition électronique, parce que la plateforme informatique n’impose pas de limites matérielles, nous permet de reproduire l’ensemble des pièces des dossiers génétiques (manuscrits, tapuscrits, épreuves, etc.) et de proposer un appareil de notes critiques et explicatives beaucoup plus étoffé que ne le permet l’édition traditionnelle. En ce sens, nos travaux d’édition électronique se rapprochent davantage de l’édition savante que de  l’édition « grand public » et, par conséquent, ils intéresseront surtout les chercheurs universitaires et les étudiants de cycles supérieurs.

En 2007, une édition du dossier génétique du Temps qui m’a manqué a été publiée sur le site web de notre groupe de recherche. Nous travaillons présentement à l’édition électronique du dossier génétique de La Détresse et l’Enchantement, un ensemble très volumineux composé de près de 3000 feuillets. Nous comptons aussi publier, sous forme électronique, des récits brefs et nouvelles inédits, des lettres qui n’ont pas encore fait l’objet d’une publication, des billets et des chroniques publiés au tout début de sa carrière, ainsi que des dossiers génétiques des œuvres publiées, ce qui devrait permettre de préciser notre étude des méthodes d’écriture et de l’art du roman et de la lettre chez Gabrielle Roy.

YL : Il existe depuis peu de temps un site internet, le site HyperRoy, entièrement consacré à Gabrielle Roy et à son œuvre. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Qu’est-ce que ce site peut offrir aux étudiants et aux chercheurs?

SM : Le site HyperRoy a été mis en ligne en 2009.2 Il nous a semblé que la poursuite de nos travaux d’édition électronique des inédits et des manuscrits de Gabrielle Roy devait mener à la création et à la mise à jour d’un espace de diffusion, de publication et d’échange autour de l’œuvre de la romancière, cela dans le but de favoriser l’accès aux inédits de l’auteure et de participer ainsi, de manière directe, au renouvellement en cours depuis quelques années des perspectives de lecture et d’analyse de son œuvre. Le site que nous avons conçu (en collaboration avec le laboratoire NT2 – Nouvelles technologies/Nouvelles textualités, de l’Université du Québec à Montréal) est en constante évolution, son expansion ne dépend pas seulement des travaux que nous réalisons dans le cadre de notre propre projet de recherche, mais elle est largement tributaire de l’implication des chercheurs et des lecteurs, non seulement à l’échelle locale et nationale, mais aussi à l’échelle internationale. Car ce site ne se contente pas de publier des inédits de Gabrielle Roy. En effet, il comporte aussi une bibliographie commentée de la critique royenne, mise à jour sur une base hebdomadaire, un index de la correspondance de Gabrielle Roy, qui présente une fiche synthèse pour chacune des lettres de G. Roy retrouvée à ce jour, un espace de publication savante, des renseignements biographiques et bibliographiques sur la romancière, ainsi qu’un espace de discussion. Enfin, ce site, élaboré comme une communauté virtuelle, rassemblera aussi, nous l’espérons, les lecteurs de Gabrielle Roy qui n’appartiennent pas aux circuits universitaires ou scolaires.



Notes

1. http://www.hyperroy.nt2.uqam.ca/le-temps-qui-m-a-manque
2. http://www.hyperroy.nt2.uqam.ca

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