31 May 2016 by Jessica Palmer
Review of (eds.) Capusan, Muresanu-Ionesco and Malita’s Culture et Francophonie. Dictionnaire des relations franco-roumaines
Horia Lazar
University of Babes-Bolyai
Cluj, Romania
mlazar@mail.dntcj.ro
Eds., Maria Voda Capusan, Marina Muresanu-Ionescu, Liviu Malita. Culture et Francophonie. Dictionnaire des relations franco-roumaines. Editura Fundatiei pentru Studii Europene, Cluj, 2003.
Sous le titre Culture et francophonie, les éditions EFES de Cluj, Roumanie, publient un Dictionnaire des relations franco-roumaines (XLVIIIp. + 132 p., avec 16 pages d’illustrations hors-texte). Un dispositif impressionnant d’auteurs (au nombre de 75) a été mobilisé pour la rédaction de l’ouvrage, qui comprend deux grandes séquences : un «répertoire » comptant 58 articles qui couvrent les grands domaines de la culture (sciences, arts, enseignement, institutions, échanges) et une série de 92 articles consacrés aux personnalités françaises et roumaines s’étant illustrées dans les domaines précédemment décrits;
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le tout encadré d’un nombre de 16 interventions dues à des responsables des relations franco-roumaines, diplomates, universitaires et agents culturels, avec l’objectif, clairement affiché, de souligner à la fois la longue durée de ces rapport—qui démarrèrent dans la seconde moitié du XVIIIe siècle—et l’engagement conjoint des deux pays dans ce qu’on pourrait appeler la culture de la francophonie.
Comme on pouvait s’y attendre, les plus nombreux articles sont consacrés à la littérature et aux arts, dont la peinture et le théâtre sont privilégiés. Pour les lettres, il y a des articles sur des écrivains, des essayistes et des intellectuels roumains ou nés en Roumanie ayant écrit en français (Marthe Bibesco, Emil Cioran, Pompiliu Eliade, Anna de Noailles, Pius Servien, Hélène Vacaresco), mais aussi sur des enseignants ou des universitaires français qui ont vécu en Roumanie une partie de leur vie ou qui y ont passé de longs séjours d’études, et dont les attaches culturelles avec le pays d’accueil furent particulièrement fortes (Yves Auger, Charles Drouhet, Matila Ghyka, André Godin, Henri Jacquier, Marianne Mesnil, Paul Morand, Emile Picot). Enfin, sous cette meme rubrique on peut ranger les articles consacrés aux professeurs et aux animateurs culturels roumains ayant œuvré, par leurs actes et écrits, à la diffusion des lettres françaises en Roumanie : Ion Braescu, Nicolae Condeescu, Nicolas Popa, Mihai Ralea, Liviu Rusu.
Les peintres roumains qui ont fait leurs premières armes en France, d’où ils sont rentrés riches de savoir et d’art, sont très nombreux. Pour s’en convaincre, il suffit de citer une partie d’eux, que le dictionnaire se fait un honneur de présenter : Theodor Aman, Ion Andreescu, Victor Brauner, Nicolae Darascu, Nicolae Grigorescu, Iosif Iser, Stefan Luchian, Theodor Pallady, Gheorghe Petrascu, Nicolae Tonitza. Toujours dans le chapitre des arts, le théâtre roumain, avec les trois volets : auteur, acteur et metteur en scène, a eu des rapports très étroits avec la France, surtout au XXe siècle. Dans les articles du dictionnaire, les noms d’auteurs dramatiques (Alexandru Davila) cotoient ceux d’acteurs s’étant formés en France ou grâce à des maîtres français (Mihai Pascaly, Matei Millo, Elvire Popesco), et surtout de metteurs en scène (Catalina Buzoianu, Mihai Maniutziu, Radu Penciulescu, Lucian Pintilie). Et pour finir ce chapitre, les musiciens roumains familiers de la culture française sont eux aussi nombreux, et surtout d’excellente qualité. Si le grand Enesco est reconnu comme un des plus importants compositeurs du XXe siècle et Dinu Lipatti comme un des plus grands pianistes de toutes les époques, Constantin Brailoiu est le fondateur de l’ethno-musicologie, alors que la « nouvelle génération » de compositeurs roumains peut être fière de compter parmi ses membres des musiciens comme Cornel Taranu ou Dan Voiculescu.
La géographie roumaine doit beaucoup à la France, plus précisément à Robert Ficheux et à Emmanuel de Martonne, géographes français qui ont publié d’importants travaux sur la Roumanie. En moins grand, Henri Capitant, spécialiste français de droit civil, a réussi à former par son enseignement des années 1930 les meilleurs spécialistes roumains en la matière. Et que dire, pour en rester aux sciences, de l’activisme pro-français d’Emil Racovitza, fondateur, à Cluj, du premier Institut de Spéléologie du monde, mais aussi d’une Association pour la Propagation de la Langue et de la Culture Françaises? ou de la dette envers la France de Nicolae Paulescu, qui, après de brillantes études à Paris, allait publier en 1925 dans Les Archives internationales de physiologie son compte rendu de la découverte de l’insuline?
Les articles thématiques du dictionnaire concernent des institutions et des pratiques variées. La politique (art. ambassade, diplomatie, négociations) y voisine avec les loisirs (art. cinéma, jardin botanique, vin) et la présentation d’institutions (art. Académie Roumaine, bibliothèques, Centres d’études de lettres françaises ou francophones) avec des articles peu conventionnels (cuisine, maçonnerie, mode, villages) dont la bigarrure meme est signe de la volonté d’ouverture de l’équipe de coordination.
Pour l’essentiel, un travail intéressant, le premier en son genre. On aurait cependant aimé pouvoir consulter un index des entrées, et aussi voir une plus grande rigueur dans la saisie des textes et l’élimination des coquilles, ainsi que, parfois, dans l’expression. Avec ces petites réserves, un livre que l’on peut parcourir avec profit, utile aux chercheurs comme au grand public, et qui donne une image détaillée des rapports privilégiés entre la France et la Roumanie.